Dans le paysage éducatif en pleine mutation, l’une des pratiques les plus prometteuses pour améliorer les apprentissages des élèves est sans doute le tutorat entre pairs, ou peer tutoring. Loin d’être une simple méthode d’entraide, cette approche pédagogique prouve, études à l’appui, qu’elle est l’une des actions les plus efficaces pour
favoriser la réussite de tous les élèves, quel que soit leur niveau. Pourquoi un élève apprend-il mieux avec un autre élève qu’avec un enseignant ou un manuel ? C’est ce que la science de l’éducation nous révèle aujourd’hui.
Le tutorat : apprendre en enseignant
Le tutorat entre élèves repose sur une dynamique simple mais puissante : deux élèves, l’un plus avancé et l’autre moins, travaillent ensemble. Contrairement à une relation enseignant-élève parfois intimidante, la proximité cognitive entre pairs rend l’apprentissage plus fluide. Le tutoré, c’est-à-dire l’élève le moins avancé, reçoit un
enseignement et un feedback personnalisés, qui répondent directement à ses difficultés. Il est plus à même d’accepter les corrections d’un camarade, qui a lui-même traversé ces obstacles peu de temps auparavant.
Quant au tuteur, l’élève plus avancé, il tire également un grand bénéfice de cette expérience. Expliquer un concept à un autre élève l’amène à préciser sa pensée, à structurer son raisonnement et à identifier les points de blocage. Ce processus de transmission active renforce non seulement sa propre compréhension, mais lui donne également confiance en ses compétences, en le valorisant dans son rôle de “petit expert”.
Un modèle d’apprentissage à plusieurs facettes
Les manières d’organiser le tutorat sont nombreuses et peuvent être adaptées aux besoins spécifiques de chaque établissement. Dans une même classe, des élèves en capacité d’aider peuvent prendre en charge un ou plusieurs camarades en difficulté. Ce processus peut être inversé, afin que chaque élève, à un moment donné, prenne part au soutien d’un autre, favorisant ainsi l’entraide généralisée.
Le tutorat peut également s’envisager entre niveaux : des élèves plus âgés, par exemple de 5ème, deviennent tuteurs pour des élèves de 6ème. Ce système présente un double avantage : les élèves plus jeunes bénéficient d’un accompagnement personnalisé et ceux des niveaux supérieurs se voient valorisés dans leur rôle d’aidant, tout en
renforçant leurs propres acquis.
Mettre en place ce type de dispositif ne se fait cependant pas à la légère. Il est essentiel de définir des objectifs pédagogiques précis, d’organiser des ateliers réguliers, et de libérer du temps dans les emplois du temps pour que ces séances de tutorat puissent avoir lieu dans des conditions optimales. Le succès du tutorat repose donc sur une préparation minutieuse et une organisation bien pensée.
Des résultats prouvés par la recherche
Les bénéfices du tutorat entre élèves sont aujourd’hui largement validés par des recherches internationales. Le Education Endowment Foundation (EEF), une organisation britannique dédiée à l’évaluation de l’impact des méthodes éducatives, classe le peer tutoring parmi les interventions les plus efficaces pour améliorer les performances scolaires, avec des gains significatifs pour les deux parties. Selon cette évaluation, les élèves engagés dans des programmes de tutorat progressent davantage que ceux qui n’en bénéficient pas, avec des résultats particulièrement impressionnants chez les élèves en difficulté.
De son côté, le laboratoire de recherche J-PAL (Poverty Action Lab) a démontré, dans une étude intitulée The Transformative Potential of Tutoring for Pre K-12 Learning Outcomes, que le tutorat, notamment dans les premières années de scolarité, a un impact significatif sur la réussite à long terme. Les élèves tutorés sont plus susceptibles de
développer des compétences durables, tout en renforçant leur motivation et leur autonomie dans les apprentissages.
Un futur pédagogique prometteur
Le tutorat entre élèves s’inscrit donc comme une stratégie pédagogique innovante, efficace et, surtout, humaine. À l’heure où la personnalisation des parcours est une priorité, cette méthode place les élèves au cœur du processus d’apprentissage, tout en favorisant des valeurs d’entraide et de solidarité. Si la mise en place du tutorat demande un effort d’organisation, les bénéfices sont tels qu’il mérite d’être déployé à grande échelle, dans le cadre d’une véritable réflexion collective au sein des établissements.
Il est désormais temps de valoriser et de généraliser ces pratiques, en s’appuyant sur les données de la recherche pour construire une école plus inclusive et plus performante.
Références :
- Education Endowment Foundation
- Peer tutoring (bientôt disponible en français sur le site du CSEN)
- J-PAL, The Transformative Potential of Tutoring for Pre K-12 Learning Outcomes